Narcose en plongée : ce qu’on vous dit… et ce qu’on ne vous dit pas !
Narcose en plongée
La narcose en plongée parfois appelée « ivresse des profondeurs », vous en entendez parler beaucoup ou un petit peu. Vous savez (ou pas) ce qu’elle fait… bref, elle fait partie de votre paysage sous-marin dès que vous vous mettez à la plongée.
Si certains la banalisent voire essayent à tout prix de la ressentir, d’autres la craignent et tentent de l’éviter au mieux.
Mais pourquoi ne fait-elle donc pas l’unanimité ? Quels sont les effets de la narcose et quelles sont les bonnes réactions à avoir ?
Dans cet article sans tabou, dans un esprit de prévention des accidents de plongée, vous découvrirez tout ce que vous devez savoir sur la narcose en plongée et plus encore.
Ce qu’ils en disent…
Ils s’appellent Gauthier, Luc, Laurence ou encore Karl… c’est peut-être vous, ou votre binôme. Plongeurs très expérimentés ou débutants en plongée. Quand vous leur parlez de narcose, ils évitent le sujet ou font mine de s’y intéresser en restant dans une attitude prudente.
Et puis, vous allez au cœur du sujet et vous abordez les effets bizarres lors de certaines plongées plus profondes. Les moments où vous vous sentez un peu « cotonneux »… et tout à coup les langues se délient et vous comprenez que nombre de plongeurs et plongeuses ont déjà ressenti les influences de la narcose en plongée sans parfois même s’en rendre compte.
D’autres se disent insensibles aux effets de la profondeur, mais admettent avoir déjà eu un peu de mal à se souvenir d’une partie de leur plongée. Ou racontent se sentir particulièrement bien dès qu’ils sont dans le fond.
1. Ce qu’on vous dit
Qu’est-ce que la narcose en plongée ? C’est quoi ce phénomène qui touche les plongeurs ? Quelles sont les causes et mécanismes ?
La narcose en plongée est principalement un état d’engourdissement et d’altération des perceptions provoqué par l’inhalation de gaz sous pression.
Pour expliquer simplement les choses, on dira qu’en plongée loisir, elle est due à l’absorption de l’azote contenu naturellement dans l’air que nous respirons. L’air étant composé de 21% d’oxygène et de 79% d’azote.
En surface, l’azote n’a aucune influence sur notre corps. En effet, il ne participe pas au métabolisme du corps humain. Vous pourriez facilement imaginer qu’il ne sert à rien. Pourtant, avec l’effet de la profondeur, l’azote agit très différemment sur notre corps lorsque sa pression partielle augmente.
Ce gaz peut entraîner des symptômes tels que la somnolence, la perte de coordination et de l’acuité visuelle. La narcose en plongée peut être dangereuse et peut même entraîner une perte de connaissance ou le décès du plongeur si elle n’est pas stoppée à temps !
Vous comprenez pourquoi il faut s’en méfier ?
Heureusement, il existe des moyens de prévenir et de résoudre les effets de la narcose à l’azote en plongée, comme vous allez le découvrir un peu plus bas.
Pourquoi la narcose est appelée ivresse des profondeurs ? C’est quoi l’ivresse des profondeurs ?
La narcose est appelée ivresse des profondeurs d’une part, car elle provoque des effets similaires à ceux de l’alcool (ivresse). Et d’autre part, car elle apparaît en profondeur.
Au plus le plongeur effectuera des plongées profondes, au plus les risques de narcose à l’azote seront grands.
C’est pour cela que les effets de la narcose en plongée sont souvent comparés à ceux de l’ivresse alcoolique.
On entend même parfois dire de la narcose en plongée que c’est comme si on buvait un verre de Martini par 10 mètres de profondeur. Donc à 40 mètres de profondeur ce serait comme si le plongeur avait ingurgité 4 verres de Martini. Vous imaginez son état ?
Quels sont les premiers symptômes et effets de la narcose sur le corps en plongée sous-marine ?
Les premiers symptômes de la narcose en plongée sont habituellement la diminution de la vigilance, de la concentration et de la coordination motrice du plongeur affecté.
Par exemple, si vous êtes narcosé, vous pouvez lire à de nombreuses reprises votre manomètre, car vous « oubliez » la pression lue tout juste avant.
De même, vous pouvez consulter régulièrement votre ordinateur de plongée pour connaitre la profondeur. Car bien que vous puissiez arriver à lire la bonne profondeur, vous n’arrivez pas à vous en souvenir ou à faire le lien avec ce qu’il convient de faire.
Et là vous vous dites : « Je suis à -45m. Je suis à -45m… » sans qu’une suite logique à cela n’arrive dans votre esprit.
Parfois, vous adopterez des attitudes étranges ou même des sourires béats.
Bref, vous n’êtes plus le même plongeur qu’à la surface.
Symptômes et signes habituels de la narcose en plongée :
Les effets de la narcose peuvent survenir de manière isolée (par exemple une perte de mémoire sans autres symptômes) ou conjointe en cumulant les effets (angoisse, lenteur, champ visuel rétrécit…)
Le problème de la narcose en plongée est qu’elle est imprévisible tant dans son apparition que dans sa forme.
Vous devez donc être vigilant envers vous même pour reconnaitre les symptômes de la narcose (ce que vous ressentez). Mais il convient également d’être attentif à ses binômes pour déceler les signes (partie visible par une personne extérieure) et réagir adéquatement.
Voici les symptômes et signes les plus courants :
Euphorie… ou panique
De nombreux plongeurs parlent des effets de la narcose comme étant un grand sentiment de bien-être (ils sont « comme sur un nuage).
Cependant, lorsque vous creusez la question, vous verrez vite que ce n’est pas toujours le cas. En effet, chez nombre d’entre eux, un sentiment d’angoisse apparaît.
Cette angoisse est parfois accompagnée de l’impression désagréable d’entendre son cœur raisonner dans tout son corps ou d’un monologue angoissant. Cela peut dégénérer rapidement vers un sentiment de panique tel que la personne ne veut plus qu’une chose : remonter à la surface le plus vite possible.
Vous savez comme l’angoisse en plongée peut représenter un danger. Alors, imaginez la terreur !
Troubles de l’attention
La narcose en plongée peut vous rendre inattentif, avec les effets qui en découlent. Par exemple, vous oubliez de suivre votre palanquée. Vous ne faites pas attention à vos paramètres ou aux règles de base de sécurité en plongée…
Perte de mémoire
La mémoire peut être altérée en plongée. Que ce soit directement (vous ne vous souvenez pas des infos que vous venez de lire sur votre ordinateur de plongée) ou sur la durée (vous pouvez ne plus vous souvenir d’une partie de votre plongée une fois arrivé en surface).
Facultés intellectuelles altérées
Le jugement et les prises de décisions peuvent être mauvais. Associée à la panique, cette altération peut engendrer des comportements inadéquats et non sécuritaires.
Confusion
Si vous êtes sous les effets de la narcose en plongée, vous pouvez avoir l’esprit confus. Ne plus trop savoir où vous êtes, ce que vous devez faire…Certains rapportent une sensation d’être « perdu » , même s’ils ne se sentent pas effrayés pour autant. D’autres expriment un sentiment de solitude.
Troubles visuels
Dans certains cas, le champ visuel peut se rétrécir. L’effet « tunnel » est le trouble visuel le plus craint en plongée. En effet, il est redouté par les plongeurs et est très impressionnant.
Pour l’avoir expérimenté une fois dans mon parcours, je peux vous assurer que vous n’avez pas du tout envie de le vivre. Sans prévenir et sans signes précurseurs, votre champ visuel se rétrécit de manière telle qu’il ne vous reste qu’un tunnel étroit de vue. Cela en quelques secondes.
Bien heureusement, tout revient dans l’ordre dès la remontée. Mais franchement, c’est surprenant.
Le savoir permet de ne pas stresser et de prendre la seule bonne décision dans ce cas-là : entamer la remontée.
Troubles moteurs
La narcose en plongée provoque une lenteur dans les mouvements. Vous agissez au ralenti. Mais elle peut aussi être responsable d’imprécision dans les gestes. Deux façons de fonctionner pas conseillées en plongée.
Tous ces facteurs relevant de la narcose ou ivresse des profondeurs peuvent affecter plus ou moins fortement les plongeurs en fonction de leur sensibilité. Plus la plongée est profonde, plus le risque de narcose augmente.
Danger : Pourquoi l’azote est dangereux en plongée et en quoi il est préférable d’éviter la narcose ?
« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés » disait La Fontaine dans sa fable.
Ici aussi, le phénomène touche tout le monde, mais heureusement, rares sont ceux pour qui la narcose est fatale.
En effet, tous les plongeurs sont narcosés, mais tous ne s’en rendent pas compte. Les corps sont ainsi faits, plus ou moins sensibles, plus ou moins réceptifs. Et cela à des profondeurs variables… et qui peuvent varier !
Mais ce n’est pas parce que vous ne sentez pas la narcose en plongée que vous n’êtes pas narcosé ! Étrange, n’est-ce pas ?
La narcose à l’azote est dangereuse. Il faut l’éviter, car en modifiant l’état de conscience, elle peut entraîner de mauvaises réactions chez le plongeur. Pour lui-même, mais également pour les autres en ne réagissant pas adéquatement aux problèmes éventuels des binômes.
C’est sans doute la raison pour laquelle la plupart des organismes de formation définissent la profondeur narcotique équivalente (END) maximale à -30 m. Même s’ils n’interdisent pas à leurs membres de plonger à l’air jusqu’à une profondeur variant de -40 à -55m selon l’organisme.
Dans une démarche de prévention des accidents en plongée, les plongées profondes à l’air devraient être évitées voire abandonnées.
Comment éviter la narcose ?
Il existe des moyens simples et efficaces pour éviter/diminuer la narcose en plongée ou ses effets :
Avant la plongée
- Travaillez votre condition physique. Ça vous aidera de manière générale.
- Ne plongez pas si vous êtes stressé. De manière générale, souvenez vous de la règle numéro 1 en plongée !
- Ne consommez pas d’alcool ou de drogues avant la plongée. Ce serait une très mauvaise idée d’ajouter cela dans votre organisme avant de vous immerger.
- Évitez les environnements froids (la vasoconstriction augmente la narcose) et sombres qui semblent accentuer les effets de la narcose. Ou prenez les précautions nécessaires pour vous protéger du froid.
- Gardez à l’esprit les symptômes et effets de la narcose pour pouvoir les reconnaître.
Durant l’exploration
- Descendez lentement (si cela n’empêche pas la narcose d’arriver, elle permet de la sentir venir et de décider de stopper la descente)
- Réduisez la profondeur de la plongée, car la narcose à l’azote apparaît et s’amplifie avec la profondeur. Évitez les plongées profondes s’il n’y a pas d’intérêt à les faire.
- Évitez les efforts en plongée.
- Femmes et menstruations; de manière tout à fait empirique; j’ai remarqué que les narcoses sont plus fortes lors des menstruations (voir : puis-je plonger quand je suis réglée ?). Si vous voulez éviter la narcose durant cette période, réduisez votre profondeur d’exploration.
- Restez proches de vos binômes : ils pourront réagir en cas de problèmes.
- Soyez attentif au plongeur dont les perceptions sont étranges et provoquent un comportement inhabituel ou inadapté.
- Utilisez préférentiellement le NITROX pour vos plongées même peu profondes. Non seulement ce mélange contenant plus d’oxygène et moins d’azote réduit les effets de la narcose, mais en plus il a des avantages pour une meilleure décompression.
Lorsque la narcose apparait
- Dès que vous ressentez les effets de la narcose en plongée (ou que vous en voyez des symptômes chez votre binôme), arrêtez votre descente. Entamez directement une remontée jusqu’à la disparition des symptômes de la narcose à l’azote. Il est fort probable que cette remontée suffise à supprimer les effets les plus désagréables de la narcose à l’azote.
- Mais, si tel n’est pas le cas, rapprochez vous encore plus de la surface. Voire arrêtez la plongée et revenez en surface. Peut-être y a-t-il autre chose qui dysfonctionne ?
- La plupart du temps, les accidents sont le fait du comportement du plongeur. Essayez que le vôtre aille vers la sécurité.
Du côté de la plongée technique
- En sortant du cadre de la plongée loisir ou récréative pour rejoindre les plongées techniques, utilisez un mélange respiratoire contenant moins d’azote. Celui-ci sera avantageusement remplacé par un gaz mieux adapté.
- En effet, dans ce type de plongée, l’azote est alors remplacé par un autre gaz appelé Hélium qui a une propension beaucoup moins élevée que l’azote à provoquer une narcose aux profondeurs habituelle des plongées récréatives ou de loisir. Mais l’Hélium a un désavantage majeur : son prix !
Et si la narcose survient tout de même ?
Informez tout de suite votre binôme.
Ensuite, commencez la remontée jusqu’au moment où vous avez repris vos pleines capacités et/ou que vous ne vous sentez plus dans un état d’angoisse par exemple. Au besoin, arrêtez la plongée.
2. Ce qu’on ne vous dit pas
À propos de l’addiction
Nombre de plongeurs et plongeuses disent aimer les plongées profondes. Lorsqu’on leur pose la question du « pourquoi », ils répondent : je me sens bien au fond.
Tout comme certains doivent avoir une consommation d’alcool, prendre des médicaments ou autres drogues pour se sentir bien, il semble que certains plongeurs aient trouvé une autre addiction dans cette narcose en plongée. Cela, même s’ils n’en ressentent pas consciemment les effets.
Le saviez-vous ?
- Même si vous n’en percevez pas les effets, la narcose influe sur vos fonctions cognitives et peut altérer votre faculté de jugement.
- La narcose ne se sent pas arriver. Ce n’est pas un processus progressif que vous pouvez gérer. Lorsque vous sentez les effets de la narcose, vous êtes déjà narcosé.
- Avant la dégradation des fonctions cognitives dues à la narcose, une amélioration significative est observée lors de la descente.
- Les troubles cognitifs liés à la narcose peuvent perdurer jusqu’à 30 minutes après la plongée (évitez de prendre le volant juste après l’immersion et profitez-en pour… prendre le temps avec vos binômes).
- Tous les mécanismes et éléments en jeu dans le phénomène de narcose ne sont pas encore bien connus/étudiés. C’est le cas notamment des facteurs externes.
- La narcose ne peut pas se mesurer à l’aide d’instruments de plongée (par exemple avec votre ordinateur)
- Il existe un signe spécifique pour la narcose. Il évoque vraiment l’ivresse des profondeurs. Découvrez le dans cet article consacré aux signes de plongée.
- Le principe de « remonter » ne fait pas partir la dégradation cognitive due à la narcose. Par contre, cela permet de récupérer un champ visuel complet ou de diminuer l’effet angoissant par exemple. Donc, remonter reste une option sécurisante.
Quelques mots sur la narcose à l’oxygène
Des études mentionnent également la possibilité de la narcose à l’oxygène lors de plongées. Cet aspect n’est pas aussi bien documenté que la narcose à l’azote, mais ne peut pas être passé sous silence.
L’oxygène peut donc dans certaines circonstances être considéré comme narcotique. Les mêmes règles peuvent cependant s’appliquer à tous les gaz risquant de provoquer une narcose en plongée.
Il convient donc de façon générale de réduire la profondeur ou réduire la quantité de gaz provoquant une narcose en plongée. Vous pouvez aussi remplacer le gaz provoquant cette narcose par un autre gaz (c’est le cas des plongées plus techniques utilisant de l’Hélium).
Peut-on ressentir la narcose en apnée ?
Vous pourriez penser que la narcose ne touche que le plongeur en scaphandre autonome. Il n’en est rien. La narcose à l’azote en apnée est bien entendu également possible.
Les mécanismes sont les mêmes qu’en plongée bouteille et les risques environ également les mêmes. Il faut juste savoir que la narcose à l’azote en apnée est beaucoup moins documentée de par le fait qu’il n’y a pas beaucoup d’apnéistes allant à ces profondeurs comparés au nombre de plongeurs. Cependant, des champions d’apnée comme Guillaume Nery ont largement parlé de ce phénomène de narcose en apnée et comment ils arrivaient à « l’apprivoiser ».
Notez que le temps d’immersion de ces apnéistes des profondeurs ne dépasse quasiment jamais les quelques minutes.
En revanche, la narcose à l’azote ne concerne pas les apnéistes statiques qui eux flottent en surface.
Être narcosée en plongée : mon expérience
Cela fait longtemps que j’avais envie d’écrire un article sur ce sujet qui nous concerne toutes et tous et auquel je suis particulièrement sensible. Parce que oui, je suis assez vite narcosée.
Très tôt dans mon parcours, j’ai compris que j’étais personnellement réceptive aux effets de la narcose (et pas du tout à l’altitude… mais je ne fais pas d’escalade). Dès -35m, je pouvais facilement me sentir « sur un petit nuage ».
Par contre, il m’arrivait également de me retrouver dans des situations nettement moins agréables (voir franchement flippantes). En effet, le problème majeur à mes yeux dans la narcose est la venue soudaine de « pensées parasites ».
Késako ? Vous êtes tranquillement occupé à plonger sur votre petit nuage de narcose quand tout à coup une pensée surgit. C’est souvent un truc complètement anodin lorsque vous n’êtes pas narcosé.
Mais qui, avec les effets de la profondeur, prend une importance immense et disproportionnée. Et dans ces cas-là, tout devient moins rose.
Plus tard, j’ai expérimenté à une reprise l’effet « tunnel » (voir ci-dessus)
Aussi, j’ai très vite décidé, tout comme les plongeurs de GUE le disent si bien, que « l’air comprimé, c’était pour gonfler les pneus » et me suis dirigée, autant que possible, vers d’autres mélanges pour m’immerger avec plaisir et en toute sécurité.
Avant de partir…
Recherchée ou au contraire fuie, la narcose en plongée fait parler d’elle. Si cette ivresse des profondeurs a une réputation souvent positive, il n’en reste pas moins qu’elle présente beaucoup plus de danger que d’intérêt.
Maintenant que vous en connaissez les symptômes, signes, effets et risques, vous pouvez décider d’adopter les bonnes pratiques pour l’éviter et rester dans une démarche de prévention des accidents de plongée.
Avez-vous déjà eu une bonne ou mauvaise expérience de narcose en plongée ?
Racontez cela dans un commentaire ci-dessous.
Soyez toujours prudent. Et surtout… n’oubliez pas d’être heureux/heureuse 🤗
Hélène
Pour aller plus loin :
« Mesures de la narcose aux gaz inertes« _ Michael Menduno