François Sarano : les chiffres disent mais ne racontent pas
François Sarano : rencontre avec un incroyable océanographe
Forcément, on le voit, on l’écoute mais connait-on vraiment François Sarano ?
Personnage humble, curieux, ouvert et bienveillant, il m’a ouvert les portes de sa maison cet été pour une rencontre marquante.
Pour dire vrai, je ne m’étais jamais vraiment intéressée à ses travaux. Mais j’avais tout de même lu avec passion son livre « Le retour de Moby Dick ». Ouvrage que je m’étais procuré auprès de François au salon de la plongée de Paris.
Alors que je lui raconte que j’avais une image de lui comme étant un personnage austère et sérieux avant de le rencontrer en janvier et de revenir en me disant « Waouh, quel gars sympa », il éclate d’un rire franc qui donne d’emblée le ton de notre entrevue.
Retour sur mon entretien avec ce co-locataire original du monde sous-marin…
Un « grand » océanographe ?
Lorsque je lui partage ma curiosité de venir vers lui, vers « François Sarano, le grand océanographe », il m’arrête tout de suite.
Humble et pédagogique, il m’explique qu’il ne peut pas être un « grand océanographe. Et cela pour deux raisons.
La première est qu’il existe de très nombreux océanographes bien plus au fait des dernières découvertes que lui. De ce fait, il refuse la mesure parce que selon lui, elle n’existe pas.
La deuxième est que François m’affirme que finalement, on ne sait vraiment pas grand-chose sur les océans !
Cela alors qu’on connait ses prises de position fortes en faveur des océans et de leurs habitants.
Les chiffres disent mais ne racontent pas
« L’océan c’est un M-Y-S-T-E-R-E ! » me dit-il avec les yeux qui brillent.
Il rajoute que les chiffres que l’on collecte ne donne pas une idée de ce que sont les océans. Qu’ils ne disent rien de la mer.
- 360.000.000 de km2
- 4,5 km d’épaisseur
- Des fosses profondes jusqu’à 11km
- 240.000 espèces qui ont été répertoriées
- 90.000 tonnes de poissons que l’on retire chaque année de la mer
- …
Est-ce qu’un seul de ces chiffres nous parle ?
Nous avons à notre disposition des chiffres, des savoirs sur les océans que nous compilons.
Et cela, me dit François, plus on accumule les chiffres, plus on se détache de ce qui fait l’harmonie de l’océan. Cette harmonie que l’on ne peut toucher du doigt que lorsque nous sommes dans l’eau au milieu des êtres qui peuplent les océans.
C’est seulement à ce moment précis que l’on réalise que tout dans ce milieu incroyable n’est que relation. Que cette fluidité générale, cette harmonie nous dépasse totalement. Et qu’aucun chiffre ne rendra jamais compte « JAMAIS » de ce que sont les océans.
Pour l’heure, alors que j’écoute passionnément ce raconteur hors pair. Je me sens aspirée dans son univers et je me dis : « Mais alors, nous sommes nombreux et nombreuses à ressentir cette symbiose avec le monde marin ? »
L’océan raconté par François Sarano
Pour François Sarano, les océans c’est d’abord une odeur, du vent, des embruns, des «pschhht » lorsque l’on bascule et que tout à coup nous sommes dans les bulles et que l’on commence à s’immerger et puis à respirer sous l’eau…
Mais quel chiffre peut raconter cela ? Quel chiffre peut dire qu’en se mettant dans le petit contre-courant de ce récif particulier et en se laissant remonter vers le banc de barracudas, on pourra se glisser harmonieusement au milieu d’eux ?
François Sarano
Alors que nous voyons des chiffres et des études défiler devant nos écrans, dans les journaux et les livres, François Sarano me raconte l’océan avec l’émotion, la sensation et l’écoute de nos perceptions.
Cela me renvoie immédiatement à cette plongée à Mayotte où j’avais eu la chance d’être accompagnée par le chant d’une baleine. Je raconte cet épisode à François qui acquiesce et m’interroge :
« Est-ce que cela ne donne pas plus une image, une sensation de ce qu’est l’océan ? » Questionne-t-il.
La compréhension de l’océan au travers de l’émotion
Il me raconte alors qu’à ses yeux, ceux et celles qui décortiquent les océans prennent le risque de s’en éloigner. Alors que des personnes comme Jacques Perrin qui a réalisé le film Océan, touche plus juste lorsqu’il parle de l’océan que n’importe lequel des océanographes. Cela car il rend compte de tout cela : la tempête, la vie, le mouvement… Au travers de cette démarche, il est dans les sens, dans les tripes, dans l’émotion… Et cela nous permet de ressentir l’océan dans ce qu’il a de plus profond, de plus juste.
Je souris en me remémorant cela et en mettant les propos de François en parallèle à ceux de cette soigneuse du Marineland d’Antibes. Deux réalités tellement opposées. Mais une seule à laquelle j’adhère et avec laquelle je me sens en phase : la sienne.
Quand la recherche peut nous perdre
François Sarano me fait part de son expérience de chercheur
J’ai passé beaucoup de temps à décortiquer les choses. Plus j’ai décortiqué, plus je me suis perdu dans des détails. Car la somme de ces détails ne fait pas l’harmonie du tout. Pas plus que les notes de la gamme ne feront une symphonie de Mozart !
François Sarano
Et moi, je suis totalement en phase avec cela. Car lorsque je plonge, c’est bien entendu quand je suis perdue dans un banc de carangues, quand je contemple le vol silencieux d’une raie aigle (ma préférée) ou que je vibre avec le chant de la baleine que je me sens pleinement inclue dans le monde sous-marin, totalement en phase avec lui.
Pour l’océanographe, il existe une différence fondamentale entre nos savoirs parfois exposés sur les rayons des musés de sciences naturelles et la réalité de l’harmonie générale des océans. Les deux raisons qui expliquent cela sont que cette harmonie est dynamique en permanence mais surtout qu’elle est relation.
Une question de liens…
« Ce qui importe, ce ne sont pas les 240.000 espèces mais les liens que ces espèces tissent entre elles et avec le milieu » me confie François.
Il continue en me disant que si nous décortiquons et classons des espèces, il devient difficile de comprendre le vivant. Cela car nous « détruisons » le lien qui fait la spécificité de chacune d’elle. Et finalement de cette harmonie des océans. En classant, on nie ce qui fait la singularité de ce que l’on veut faire comprendre aux autres.
« Je ne peux comprendre le vivant que vivant » ajoute François.
Aussi, il n’y a qu’en allant à la rencontre des espèces, en s’immergeant que nous pouvons appréhender.
François Sarano : un océanographe anthropologue ?
Lorsque nous clôturons ce point je souris en disant à François Sarano qu’il est quelque part peut-être plus un anthropologue des océans qu’un océanographe. En s’immergeant, en allant dans le milieu pour le comprendre pour « vivre le monde des cachalots », c’est à cette représentation que j’ai envie de l’associer. Même s’il n’est très nécessairement pas utile de le mettre lui non plus dans une case.
Finalement, il y a dans la vision des océans de François Sarano une dimension que je perçois comme étant presque mystique, dans le sens d’une ode infinie à la Vie.
Une dimension qui dit : va, vis, explore ! Une authenticité simple qui nous ramène à l’essentiel. Et qui nous plonge nous aussi dans la communion avec cette harmonie, ce monde duquel nous faisons partie.
Envie d’écouter François vous raconter tout cela ?
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Comment définiriez-vous votre rapport aux océans ?
Dites-moi cela en commentaire de cet article ci-dessous afin que nous puissions échanger ensemble
Et surtout… n’oubliez pas d’être heureux/heureuse 🤗
Hélène