Accident de plongée immérité : quand survient le doute
Accident de plongée immérité
Certains accidents de plongée surviennent alors que rien dans le profil de la plongée, la condition de la personne, l’environnement, … ne peut venir les expliquer.
En effet, si une partie de accidents de plongée a une cause évidente et que d’autres s’avèrent être une suite d’erreurs à ne jamais faire, reste l’accident de plongée « inexpliqué » que l’on appelle aussi, surement à tort, accident de plongée immérité.
Bien sûr, loin de moi l’idée de dire qu’une partie des accidents serait méritée. Non, mais ceux-là sont explicables et arrivent à la suite d’une imprudence, d’un non-respect des règles de base de sécurité, d’un problème de santé, … Ils sont explicables bien que non mérités.
Les accidents de plongée dits immérités ou inexpliqués se produisent tandis que toutes les règles de sécurité ont été respectées. Bien que tout a été mis en œuvre pour en déterminer la cause, ils restent des interrogations. Tant pour les plongeurs les ayant subis que pour l’équipe médicale les ayant suivis.
C’est le cas de l’accident de plongée arrivé à Stéphane en ce début d’année 2019, juste après notre rencontre au Lac de Lioson.
Pour lui, dans le cadre de notre passion commune, il était normal de partager les expériences. Cela, afin d’apporter certains éléments ou indices à d’éventuelles questions que tout en chacun pourrait légitimement se poser.
Mais également pour lutter contre ce monde du silence encore trop présent dans le monde de la plongée
Aussi, sans aucun tabou ou gêne, Stéphane a souhaité partager avec vous sa plongée du 23 février 2019 au travers de mon blog.
En aucun cas le sujet ne va sortir du simple témoignage pour entrer dans le domaine médical. Ceci, puisque Stéphane n’est pas médecin.
La plongée
Le samedi 23 février 2019, avec son binôme, Stéphane plonge sur le site du Château de Chillon situé vers Villeneuve en Suisse. La plongée débute à 09h59 depuis la petite plage. Avec son binôme, ils descendent de manière conforme le long de l’omblière jusqu’à la profondeur de 41.8 m. Ils effectuent alors le virage pour revenir sur la gauche et poursuivre la plongée en étant légèrement au-dessus de 40 mètres.
« Une petite plongée bien carrée sans excès », dira Stéphane.
Ils continuent ensuite la plongée en faisant comme toujours une exploration de la falaise en forme de Z. L’objectif étant d’avoir une remontée lente et adaptée à leur profil établi avant la plongée.
Tous les temps de paliers ont été très strictement respectés. Ils font même 10 minutes de plus à la profondeur de 3 mètres pour regarder les petites écrevisses. La plongée prendra fin après 55 minutes sans aucun problème de remontée ou autre.
Stéphane et son binôme sortent de l’eau, se changent et boivent du thé avant d’aller au bord de l’eau pour compléter leurs logbooks.
L’accident de plongée se déclare : premiers secours
Environ 45 minutes après la sortie de l’eau, Stéphane a l’oreille droite qui s’est légèrement bouchée. Environ 10 minutes plus tard, il commence à transpirer et perd l’équilibre. Même à quatre pattes au sol, il « tangue ». Il respire alors de l’oxygène sur un bloc de déco 80% d’un autre plongeur présent. Cependant, cela ne sert à rien et il se met à vomir sans cesse.
« Je me serai cru sur un bateau au milieu d’une tempête avec des creux de 15 mètres », dit-il
Immédiatement son binôme ainsi que les autres plongeurs téléphonent au 144 (secours locaux) et le sécurisent pour éviter une éventuelle chute.
Prise en charge
A l’arrivée de l’ambulance (environ 10 minutes plus tard) les secouristes font les premiers examens et téléphonent tout de suite chez DAN. L’ordre est donné de transporter immédiatement Stéphane par hélicoptère au caisson hyperbare de l’Hôpital Universitaire de Genève HUG (6 minutes Villeneuve / Genève).
Lors du décollage de l’hélicoptère à plus ou moins 20 mètres, Stéphane sent un « cloc » dans son oreille et retrouve une meilleure audition.
Arrivé au service hyperbare, il est pris en charge avec rapidité et professionnalisme par un professeur Hyperbare et son assistant. A la suite de quelques examens basiques d’équilibre, ils diagnostiquent un problème vestibulaire de l’oreille interne. Stéphane effectuera alors une session de caisson hyperbare de 5 heures à – 18 mètres. Suite à cela, il peut rejoindre la chambre en marchant lui-même sans aide. A la grande surprise du corps médicale. Selon ceux-ci, il faut habituellement 2 à 3 sessions pour arriver à marcher normalement et seul.
Suite des soins
Le dimanche 24 février à 09h00, Stéphane a une deuxième session de caisson hyperbare de 2h à – 15 mètres par sécurité.
« Le caisson seul c’est très long et pas franchement folichon. Les seuls intermèdes sont toutes les 30 minutes le rinçage (enlever le masque à oxygène 100% et respirer l’air comprimé 21% du caisson) », raconte Stéphane.
Suite à ce deuxième passage le personnel lui offre un pain chocolat, lui redonne son ordi et lui souhaite un bon retour.
Son binôme vient le chercher à Genève à 14h00 pour le reconduire à son domicile.
Stéphane note qu’il tient à remercier chaleureusement toute l’équipe soignante.
Le questionnement : pourquoi cet accident de plongée ?
Le lundi, Stéphane reste au chaud chez lui afin d’analyser sous toutes les coutures ce qui a bien pu se produire. Sans réponse à ses questions.
Le jour suivant, il va chercher son véhicule et tout son matériel qui était bloqué chez son binôme. En effet, en Suisse, la Police met sous scellés tout le matériel pour le besoin d’une éventuelle enquête du procureur.
Suite à l’intervention de la Police du lac et de leur téléphone avec Mr le procureur, il est décidé qu’aucune enquête ne sera ouverte. Cela puisque tous les paramètres ont été respectés et aucun dysfonctionnement de matériel n’est mis en cause.
Ayant fait un contrôle complet chez un ORL, il s’avère que Stéphane n’a aucune lésion de l’oreille interne. De même, il est testé négatif pour le foramen ovale perméable.
Par mesure de prévention le service hyperbare du CHUV de Lausanne lui prescrit une abstinence de 2 mois sans plonger.
Stéphane ne saura jamais ce qui l’a mis dans cet état. Un problème de l’oreille interne oui… Mais pourquoi ?
Des possibles explications de l’accident de plongée immérité
Après un mois de film « avant-arrière et arrière-avant, pause play ralenti etc » … une chose lui revient. Juste avant de sortir de l’eau, il a remis la tête sous l’eau pour se moucher à 2 ou 3 reprises et assez fort. Cela a-t-il pu provoquer l’accident de plongée immérité ou inexpliqué ? Ou alors un yoyo fait le jeudi précédant dans le cadre d’une formation ? Ou alors un petit peu de tout ?
Quoi qu’il en soit, Stéphane précise que, lorsqu’il plonge avec ses binômes, ils ne se quittent jamais avant minimum 1 heure passée à discuter de tout et de rien. Cela est une sage habitude car autrement, il se serait retrouvé sur l’autoroute à 120 km/h au moment des malaises.
Stéphane se rend compte aussi du côté sécuritaire de la plongée à deux et ne souhaiterait plus plonger en solo bien qu’il ait suivi la formation adéquate.
Profil de la plongée
– 55 minutes
– Température min 6 degrés / température moyenne 6.7 degrés / température de l’air 9 degrés
– Profondeur max 41.8 mètres 3 minutes / profondeur moyenne 18.1 mètres
– Pression de départ 214.29 Bar / sortie 98.6 Bar / consommation 0.76 Bar minute (normal pour moi).
– 7 minutes 50 pour descendre au 41.80.
– Palier 3 minutes à 3 mètres.
Que peut-on apprendre de l’expérience de Stéphane ?
- Il existe des accidents de plongée dit immérités ou inexpliqués pour lesquels on ne retrouve pas nécessairement la cause.
- Respecter toutes les règles de sécurité ne garanti pas une absence d’accident de plongée (mais diminue les risques)
- Prendre un temps avec ses binômes après la plongée permet un bon moment mais est également une habitude augmentant la réaction face à un accident de plongée.
- Il n’y a pas de honte a avoir un accident de plongée. S’enfermer dans le monde du silence est une réelle mauvaise idée.
- Appeler rapidement les secours est toujours un bon réflex.
NB : comme le soulignait, à raison, un internaute en commentaire de cet article, personne ne mérite d’avoir un accident de plongée. De ce fait, nous devrions très certainement arrêter de parler d’accident de plongée immérité. Et utiliser un vocabulaire plus adéquat comme accident de plongée inexpliqué ou inexplicable. Parce que, bien entendu, personne ne mérite jamais d’avoir un accident de plongée.
Accident de plongée explicable ou non, un accident reste un évènement traumatisant qui peut laisser des séquelles. Nous n’avons qu’une vie, pensons y.
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Hélène
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