Une femme de dos regarde un plan d'eau après son accident de plongée

Accident de plongée : ne pas devenir une statistique

La presse nous relate encore trop souvent le cas d’accident de plongée conduisant à la mort des personnes.

Certains accidents de plongée demeurent inexpliqués ou ont des causes très nettement identifiées. D’autres s’avèrent être le résultat de la conjonction de plusieurs facteurs défavorables. Ces facteurs, pris un par un, n’ont peut-être pas d’incidence, mais peuvent mener à des situations dramatiques en s’additionnant.

La plupart de ces facteurs d’accident de plongée peuvent pourtant être réduits, éliminés ou neutralisés. Notamment par une plus grande vigilance du plongeur envers lui-même. Mais également par celle des membres de la palanquée et/ou par le directeur de plongée.

Ce n’était pas le cas cette année … il y a plusieurs années … au début d’un été caniculaire…

Première erreur : je plonge

Avec un groupe d’amis, nous décidons d’aller plonger et nous nous donnons rendez-vous dans une carrière belge en milieu de matinée.

Je suis fatiguée physiquement et psychologiquement. La semaine a été éprouvante et la mort d’une collègue au boulot m’a énormément affectée. Je me dis que plonger me fera du bien, je me sens si bien sous l’eau.

A cette époque, je suis plongeuse autonome limitée à 30 m de profondeur et j’ai une bonne centaine de plongées au compteur.

Deuxième erreur : le profil de plongée

Lors de la plongée, mon binôme (même niveau de plongée que le mien) rencontre un problème avec son matériel. Deux fois de suite nous sommes contraints de remonter en surface mais redescendons chaque fois à – 30 m

Finalement, notre plongée yoyo se passe bien. Nous ressortons de l’eau… la chaleur est accablante.

Troisième erreur : les petits détails qui tuent

Il fait vraiment chaud et magnifiquement beau et notre groupe de plongeurs décide de se rendre dans une autre carrière pour effectuer une seconde plongée avant de se retrouver, en début de soirée pour une activité chez l’un d’entre nous.

Ni un ni deux, nous remballons notre matériel de plongée en vitesse. J’ai soif, je bois un peu d’eau … ma bouteille est vide. Tant pis, nous y allons.

Une heure après la première plongée, nous sommes au bord de l’eau prêt à nous équiper. Tout en grignotant notre sandwich, nous attendons encore 30 minutes avant de nous immerger pour avoir un intervalle de surface qui nous semble « acceptable ».

Quatrième erreur : on ne prend pas les mêmes et on recommence

Mon binôme du matin ne faisant pas partie des plongeurs de l’après-midi, on m’attribue un autre binôme. Le seul du groupe à avoir un niveau de plongée supérieur au nôtre. C’est un plongeur 4* CMAS en qui j’ai toute confiance.

Il me propose de descendre à 40 m. Why not ?

Ça me tente bien et lui et moi pensons, en toute bonne foi à l’époque, qu’avec nos niveaux de plongée nous pouvons aller 10 m plus bas que mes prérogatives puisque j’ai déjà commencé ma formation de plongeuse autonome à 40 m (que je réalise bien entendu avec des instructeurs certifiés et compétents mais dont aucun n’était présent ce jour là).

Bien sûr, nous savons que c’est plus profond que la plongée du matin. Mais le plan d’eau nous tente et nous décidons de plonger tout de même à cette profondeur … Ce n’est pas pour une fois que nous le faisons que nous allons avoir un problème !

J’ai toujours si soif … vite dans l’eau pour me rafraîchir (!!!)

Nous nous immergeons en combinaison étanche dans une eau avoisinant les 5°C à certains endroits et nous descendons jusqu’à -40 m. Je me sens un peu bizarre (la narcose ?) et me rapproche de mon binôme « au cas où » mais sans rien lui communiquer. Durant les dernières minutes de la remontée, je me sens bof-bof, sûrement la fatigue accumulée … On refait surface +/- 45 minutes après le début de notre immersion.

Cinquième erreur : le déni d’accident de plongée

A peine sortie, une douleur cinglante me traverse le bas du dos. Je me retrouve au bord de l’eau, bien incapable de faire le moindre mouvement.

J’informe immédiatement mon binôme qui propose que je laisse mon bloc sur place. Il reviendra plus tard le chercher. Je marche péniblement vers ma voiture, m’habille et rejoins les autres membres de mon groupe de plongée dans l’espace fait à l’intérieur de notre cercle de voitures.

Il fait chaud et l’un des plongeurs me donne une petite bouteille d’eau … ça fait du bien. Comme je n’arrive pas à rester debout, je m’allonge à plat dans les graviers et nous discutons de la planification du reste de la journée. Mon binôme me dit que c’est étrange ces maux de dos et me demande si cela m’arrive souvent. Je réponds que dans le passé j’ai régulièrement souffert de maux de dos, qu’ils ont disparus depuis longtemps mais qu’ils sont sûrement de retour.

Personne ne s’inquiète outre mesure et le temps passe. Personne ne fait le lien avec un accident de plongée.

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La valise DAN est là, à quelques mètres de moi, avec la bouteille d’oxygène prête à servir … Et personne n’y pense. On parle, on rigole, la vie est belle.

Pour aller chez notre ami qui nous accueille pour la soirée, je donne ma voiture à une autre personne et embarque avec deux amis plongeurs.

Le trajet dure 20 minutes et je m’effondre sur le siège arrière en leur disant que c’est douloureux et que je me sens mal.

Dès mon arrivée chez lui, mon ami me donne 1 gramme de paracétamol pour faire passer le mal de dos. Une demi-heure plus tard, comme il n’y a aucun effet du médicament, je décide de raccourcir ma soirée et de rentrer chez moi. Cela fait environ deux heures que j’ai terminé ma plongée et j’ai toujours au moins aussi mal au dos.

Je rassure mes amis en leur disant que ça va aller, prends le volant de ma voiture et commence à rouler vers ma maison.

Je suis alors saisie de violentes nausées.

Sur la route, je roule presque au pas tellement je me sens mal et arrive enfin chez moi où je me traîne lamentablement vers mon lit en me disant que je ne suis décidément vraiment pas bien.

A ce moment, je n’ai pas encore pensé une seconde que mon état pourrait être dû à un accident de plongée … Je ne veux pas y penser … personne de mon groupe n’a pu / voulu y penser. Nous sommes collectivement en plein déni d’accident de plongée.

Pourtant, je ne trouve pas le sommeil : pourquoi ce mal de dos si violent ? Ces nausées ? Cette impression étrange dans mon corps ?

Sixième erreur : ne pas déclencher la chaine des secours

Vers 23h, j’ai enfin un flash et je prends un de mes livres de plongée qui sont posés sur la table de nuit : j’ouvre les pages sur les accidents de plongée et la peur me prend à l’estomac.

Ce que je lis est exactement ce que je vis dans mon corps à ce moment. En résumé, il est également écrit que sans soins, il peut soit y avoir de réelles séquelles neurologiques soit que les symptômes peuvent disparaitre dans les 24 à 48 heures. Je suis terrifiée.

Les instructeurs de mon club de plongée de l’époque nous ont si souvent répété : « au moindre doute, appelez les secours »

Je sais qu’en faisant ça … je vais finir au caisson, ça me semble évident. Mais qui s’occupera de mes 3 enfants endormis dans ma maison reculée à la campagne ?

Je panique complètement et prends la pire décision : ne pas appeler les secours et attendre le lendemain matin !

Terrassée par la fatigue, la douleur et la peur de cet accident de plongée, je finirai par m’endormir au cœur de la nuit.

Quelques heures plus tard, quand je me réveille, les nausées ont disparues. Ma douleur au dos est toujours bien présente mais moins violente. Je me dis que j’ai pu me tromper, exagérer et, pour être sûre, je téléphone au kinésithérapeute pour qu’il me reçoive en urgence. Rendez-vous est pris pour la fin de la journée soit 24 heures après ma sortie de plongée.

Évidemment, il ne voit rien et ne comprend pas du tout d’où vient cette douleur qui ne lui paraît pas « logique ». Quand je lui parle de mes doutes concernant la plongée, il me dit que cela semble plus probable et me demande d’aller chez le médecin pour tout vérifier … Vérifier quoi ?

Bien sûr, je n’obéis pas … puisque je vais mieux.

24 heures passent encore et tous les symptômes disparaissent comme par magie. Je vais bien, très bien. Et je suis heureuse, très heureuse de me sentir en forme.

Je me dis aussi que j’ai peut-être eu de la chance …

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Septième erreur : je garde le silence concernant mon accident de plongée

Comme je vais bien, je décide de n’en parler à personne.

C’est un sentiment étrange qui s’empare alors de moi au fil du temps : peut-être que je suis trop sensible aux effets de la plongée ? Que si je dis que j’ai eu cet accident de plongée, plus personne ne voudra plonger avec moi ? 

Peut-être que je ne serai plus autorisée à plonger ? (Impossible à imaginer !). Je préfère alors penser que j’ai rêvé tout ça. Que cela n’avait sûrement rien à voir avec la plongée. Que mon esprit s’est emballé pour rien … Mais au fond, je sais que tout s’est passé, ce moment a vraiment existé.

Une honte mêlée à la peur d’avoir mal fait me pousse alors à me taire.

Enfin la bonne attitude : je parle de l’accident de plongée

Les plongées se succèdent tout l’été avec toujours cette peur pour moi de voir revenir cette horrible douleur.

C’est probablement cette angoisse qui fait que, deux mois plus tard, prenant mon courage à deux mains, je décide de discuter avec le chef d’école de mon club de mon accident de plongée. Il se montre très à l’écoute, me dit que j’ai eu de la chance. Il précise que j’aurais du en parler tout de suite et ne pas rester dans ce monde du silence.

Enfin, il me propose, entre autres choses, de faire quelques plongées ensemble pour retrouver confiance.

Il m’a fallu encore du temps pour parler de cet accident de plongée aux plongeurs et plongeuses qui m’accompagnaient ce jour-là. Et encore plus ou moins deux ans pour pouvoir en parler librement sans aucune honte à n’importe quel plongeur.

Mon objectif aujourd’hui…

Si je vous livre ce témoignage aujourd’hui, c’est pour que cela ne vous arrive pas. Que jamais vous ne fassiez cette suite impardonnable d’erreurs à ne pas faire.

Mon objectif est que vous plongeurs et plongeuses qui lisez cette histoire, que j’ai vécue il y a plusieurs années, preniez pleinement conscience que ce sont souvent les suites de petites erreurs qui mènent à des situations de plongée dont l’issue est parfois dramatique.

Enfin, je caresse l’espoir que cette histoire puisse servir, à son échelle, à lutter contre certains accidents de plongées qui pourraient être écartés.

Comment éviter la suite d’erreurs à ne jamais faire quel que soit votre niveau ?

  • Plonger oui mais seulement quand vous êtes en forme, bien dans votre tête et dans votre corps. Si vous ne le sentez pas, vous ne plongez pas !
  • Évitez les plongées yoyos : si vous devez refaire surface pour un problème quelconque, soit vous redescendez moins profond (principe de précaution), soit si c’est une plongée ou rien ne se passe comme prévu, vous sortez de l’eau … vous plongerez bien mieux une autre fois
  • S’hydrater OUI et boire sans soif surtout quand il fait chaud !
  • Assurer un intervalle de surface le plus long possible
  • Dans la mesure du possible, faites la deuxième plongée avec le même binôme que lors de la première plongée. Si ce n’est pas possible, soyez vigilant aux profils de la première plongée de chacun des membres de la palanquée.
  • Respecter les prérogatives. Les règles de profondeur n’ont pas été établies pour vous pourrir la vie mais pour vous permettre une acclimatation douce à la profondeur et pour vous habituer donc à plonger plus profond petit à petit.
  • Déni d’accident : si on vous a surement répété qu’il est préférable d’exprimer les choses, il est possible que vous ne puissiez pas le faire le moment venu et / ou que votre déni soit vécu de façon +/- inconsciente. D’où l’intérêt d’être très attentif aux signes de vos partenaires de plongée. Il en va de la sécurité de tous.
  • En cas d’hésitation, administrer immédiatement de l’oxygène.
  • Déclencher la chaîne des secours le plus rapidement possible : « au moindre doute, appelez les secours »
  • Parler : ne restez pas seul avec vos angoisses, vos doutes, … il y a la plupart du temps dans votre entourage une bonne oreille qui peut vous entendre et vous guider.

Bien sur, tous ces conseils sont des « conseils de base », voir des évidences. Et pourtant…

L’issue pour moi aurait pu être très différente ce jour-là et beaucoup moins positive. Heureusement, ce ne fut pas le cas et on peut dire que j’ai « appris »

Aujourd’hui, après des années de plongée secures et de nombreuses formations, je suis extrêmement vigilante en plongée envers les autres et envers moi-même. Je n’hésite pas une seconde à donner de l’oxygène, à utiliser la ligne téléphonique DAN, … si j’ai la moindre hésitation à propos de mon état (ce qui n’est plus jamais arrivé depuis) ou celui d’un plongeur de mon groupe.

La plongée est un sport pratiqué dans des conditions qui ne sont pas naturelles pour les êtres humains que nous sommes. Nous devons être vigilants et attentifs les uns envers les autres afin d’éviter à tout prix la suite impardonnable des erreurs à ne jamais faire !

Bien entendu, il y a aussi d’autres façons de prévenir les accidents comme celui décrit dans cet article sur le comportement des binômes au palier que je vous encourage à découvrir.

Si vous souhaitez vous aussi participer à la prévention des accidents de plongée, partagez cet article !

Et surtout… n’oubliez pas d’être heureux / heureuse 🤗

Helene

Post-scriptum  :

Suite à cet article, de nombreux internautes m’ont interpellée concernant deux points :

1) Je résume : « il faut être stupide pour cumuler autant d’erreurs qui mènent vers un accident de plongée ».

Je ne le pense pas ! Ce qui est essentiel à mes yeux est de comprendre que l’erreur est humaine et qu’il est important d’en tirer des enseignements. Dans le cas exposé ici, c’est le travail d’analyse minutieux de la situation à postériori qui a permis de mettre en avant cette suite d’erreurs.

J’aurai pu juste penser que la situation était arrivée parce que je n’avais pas assez bu et qu’il faisait chaud, ou que j’étais fatiguée, … sans aller au bout de l’analyse comme c’est régulièrement le cas. En effet, tous les jours, lors de plongées tout autour du monde, de nombreux plongeurs cumulent des fautes. Simplement tant qu’il n’y a pas d’incident/d’accident, cela n’est pas mis en évidence et donc, … on n’y prête pas attention

Bien que j’étais consciente que relater cet accident de plongée m’exposerait à la critique parfois (très) dure, il me paru intéressant et constructif, dans une optique de prévention des accidents de plongée, de mettre en avant tous ces petits détails que tous les plongeurs connaissent fort bien mais qui sont parfois (souvent ?) banalisés.

2) La qualité de la formation reçue et la responsabilité des formateurs.

Dans le cas présent, les formateurs étaient très clairement du genre à insister sur la sécurité. La formation avait mis en évidence l’importance de tous les facteurs cités. Mais il reste toujours la liberté individuelle, l’inexpérience, la fatigue, … le fait de croire que ça n’arrive qu’aux autres.

La plupart des gens passent leur permis de conduire. Pourtant, combien roulent parfois « un peu trop vite » ? Combien roulent en étant trop fatigués en rentrant le soir ? Combien roulent en regardant leur smartphone ? … Leur formateur est-il responsable de leurs comportements dangereux ?

En plongée c’est la même chose. Regardez autour de vous, prêtez-y attention, et vous remarquerez  qu’il y a un très grand nombre de gens qui ne respectent pas leurs prérogatives ou les règles de bases de sécurité, qui plongent en étant fatigués ou après une soirée arrosée, qui ne s’hydratent pas avant/après la plongée, qui ne disent rien quand quelque chose ne se passe pas bien…

Cela, peu importe le niveau de formation et/ou la qualité de celle-ci.

Suis-je stupide ? Ai-je reçu une mauvaise formation ? Peu m’importe pourvu que cet exemple à ne pas faire puisse éviter à d’autres des incidents/accidents de plongée sous-marine

Merci à vous d’avoir lu ce (très) long article jusqu’au bout et n’hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous