Un plongeur accidenté dans les eaux chaudes de la Mer Rouge
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Prise en charge du plongeur accidenté

Quoi de mieux que de profiter d’un samedi pluvieux pour s’intéresser aux aspects médicaux de la prise en charge du plongeur accidenté»

C’est sur ces mots qu’a débutée cette journée d’études et de découvertes organisée par la Société Belge de Médecine Hyperbare et Subaquatique à l’hôpital militaire de Never-Over-Hembeek en Belgique.

J’étais impatiente d’assister à cet évènement. D’autant que j’avais déjà eu l’occasion de rencontrer dans le passé à quelques reprises Pierre Lafère. Instructeur de plongée et professeur passionnant sur toutes les questions médicales liées à la médecine hyperbare, j’étais contente à l’idée de pouvoir à nouveau échanger avec lui et avec les autres orateurs et participants.

Pierre Lafère et Hélène Adam à l'hôpital militaire de Bruxelles
Avec Pierre Lafère | © Different Dive

Il serait compliqué de me faire le relais des trois présentations de qualité auxquelles j’ai assisté. Tout comme celui des nombreux échanges qui les ont précédés ou suivis.

Aussi, je vais vous présenter les points qui ont le plus retenus mon attention sans distinction précise entre les propos des orateurs :

Frédéric Vanderschueren : kinésithérapeute, formateur en secourisme industriel et BLS et instructeur de plongée.

Frederic Vanderschueren lors du colloque sur la prise en charge du plongeur accidenté
Frédéric Vanderschueren | © Different Dive

Pierre Lafère : Docteur en médecine, PhD en physiologie, anesthésiste spécialisé en médecine hyperbare travaillant à l’ORPHY à Brest après 10 ans passé au Centre Hyperbare de l’hôpital militaire.

Pierre Lafère lors du colloque sur la prise en charge du plongeur accidenté
Pierre Lafère | © Different Dive

Peter Germonpré : responsable du Centre D’Oxygénothérapie Hyperbare de l’hôpital militaire de Bruxelles et spécialiste sur les questions de Foramen Oval Perméable. 

Peter Germonpré lors du colloque sur la prise en charge du plongeur accidenté
Peter Germonpré | © Different Dive

Voici les recommandations que j’ai retenues des trois spécialistes concernant la prise en charge du plongeur accidenté :

Remarque préalable à toute prise en charge d’un plongeur accidenté : plus l’intervention par les secouristes sera efficace, plus celle du médecin sera efficace elle-aussi.

Prise en charge du plongeur accidenté inconscient sous l’eau

  • Garder à l’esprit que nous ne sommes pas, pour la plupart d’entre nous des professionnels. Evidemment, il faut remonter le plongeur inconscient. Mais il convient tout d’abord de ne pas risquer un sur-accident.
  • Idéalement, il faut être deux pour prodiguer une aide efficace. Aussi, nous pouvons nous interroger sur le nombre de plongeurs minimum devant composer les palanquées.
  • Largage du lest: inutile de perdre du temps sous l’eau avec ce point. Les gilets actuels permettent de remonter une victime sans effort. Dès lors, il est bien plus intéressant d’enseigner aux apprenants à adopter un lestage tendant vers une flottabilité neutre. De même, il convient d’enseigner l’utilisation d’un gilet proposant un volume adéquat au regard de la morphologie de la personne.
  • Convulsions : Si la personne n’a plus son détendeur en bouche, il faut la remonter sans attendre. Si elle a toujours son détendeur en bouche, il peut être préférable d’attendre la fin des convulsions pour ne pas risquer d’être gêné dans la remontée.
  • Remise en place du détendeur : Sauf dans le cas de la plongée spéléo, il ne faut pas remettre le détendeur en bouche d’une personne inconsciente qui a perdu son détendeur. En effet, lors de la remontée, le gaz encore présent dans les poumons va se dilater. Manipuler le détendeur et vouloir le remettre à tous prix n’est pas une bonne idée et nous fait perdre du temps.

Lors de la remontée :

  • Position de la tête: On entend régulièrement qu’il faut placer la tête en hyper extension pour dégager les voies respiratoires. En réalité, si cela est exact en surface avec une victime couchée à l’horizontale, il ne faut pas le faire avec une personne inconsciente maintenue dans une position verticale (lors de la remontée) au risque de voir la masse linguale venir obstruer le pharynx.
  • Vitesse de remontée : la littérature ne donne pas d’indication autre que celle de garder une vitesse contrôlée.
  • Paliers : Ici, l’information m’est apparue comme non tranchée. D’une part il était recommandé de laisser la victime remonter toute seule sur les derniers mètres et d’effectuer ses paliers s’il existe un risque non raisonnable de sur accident. Le risque non raisonnable n’étant pas ici défini autrement que par un temps important de paliers obligatoires laissés au jugement du plongeur. D’autre part, il était mentionné que lorsque l’on choisit un moyen de décompression il faut s’y fier et le respecter. Or, nous savons qu’interrompre un palier durant moins de 3 minutes va peut être nous pénaliser mais ne devrait pas, selon les algorithmes de nos ordinateurs, nous mettre dans une situation estimée dangereuse par notre moyen de décompression. Aussi, je me dis que les 3 minutes nous laissent alors le temps de remonter, d’appeler les secours et de mettre la victime la tête hors de l’eau avant de redescendre faire les paliers, non ?  Alors que faire ? Penser parfois que nous sommes décidément nous les plongeurs des cobayes.

Quoiqu’il en soit, retenons qu’il est essentiel d’avoir une sécurité en surface et de garder à l’esprit que …

… « Il ne faut jamais se mettre en danger et risquer un sur accident »

Prise en charge du plongeur accidenté inconscient à la sortie de l’eau

  • Veiller à maintenir la victime à l’horizontale. Cela, en résumé, afin de laisser le sang dans la tête.
  • S’il existe un doute sur le fait que la personne respire, pratiquer directement au moins 5 insufflations
  • Idéalement : déséquiper tout en insufflant et en commençant le remorquage.
  • Si le bord est éloigné de plus de 5 minutes, commencer par 1 minute d’insufflation avant d’entreprendre le remorquage ventilé.

 « Le succès du remorquage ventilé dépendra très fortement de la formation reçue »

Prise en charge du plongeur accidenté hors de l’eau

Il existe beaucoup de recommandations mais la plupart sont basées sur des études réalisées sur les animaux. Ou encore sur des études avec des humains mais présentant une fiabilité très discutable. Pierre Lafère et ses collègues ont mené une grande étude sur la prise en charge des plongeurs accidentés. Les résultats viennent d’être publiés en ce mois de juin 2019 et une partie nous est partagé ici.

LIRE | Un Palier De Sécurité, Pour Quoi Faire ?

Rappel de la manière dont va se faire la prise en charge :

  • Activation de la chaine des secours
  • En cas de MDD, arrivée au caisson endéans les 6h après la survenue des premiers symptômes
  • Contact avec médecin hyperbare et séances caisson
  • Réhydratation

Quoiqu’il arrive, si on a besoin de soins spécifiques (recompression au caisson hyperbare), en aucun cas l’accès aux soins spécifiques ne peut être retardé dans la chaine des secours.

Il faut donc réduire à tous prix le délai et appeler les secours immédiatement même en cas de doutes. Le canal 16 VHF ou le 112 selon que vous êtes en mer ou sur terre et DAN si vous disposez de cette assurance. En effet, DAN va veiller à coordonner les secours et permettre parfois d’accélérer la prise en charge. 

Quelques chiffres interpellants :

  • Dans 45 à 50% du temps, c’est le patient (ou son environnement proche) qui est responsable du retard ou du délai
  • 50% des plongeurs accidentés présentent des symptômes dans les 10 minutes qui suivent la sortie de l’eau. Ce chiffre monte à 70% dans les 30 minutes
  • Pourtant, seulement 10% seront pris en charge dans les … 6 heures
  • Or, une prise en charge dans les 10 minutes (bon OK, nous n’avons pas un caisson de recompression avec nous, j’admets), permet de n’avoir aucune séquelle. Mais retenons qu’au plus rapide est la recompression, meilleurs seront les résultats.
  • De même, si le plongeur attend 6h avant d’aller au caisson, il a deux fois plus de risque d’avoir des séquelles après un ADD.
  • 100% des plongeurs accidentés sont en situation de déshydratation
  • 30% des plongeurs ne consultent pas en cas d’ADD
  • Dans ces 30% qui ne consultent pas, un plongeur sur 10 gardera des séquelles de l’ADD
  • Notons aussi que si le plongeur à plus de 42 ans ou s’il a plongé à plus de -40 m de profondeur, il a également deux fois plus de risques d’avoir des séquelles après un ADD.
  • Les spécialistes constatent que les plongeurs ayant eu un ADD plongent ensuite plus et plus profond allant à l’encontre des recommandations des médecins hyperbare… Incroyable, n’est-ce pas ?
  • Dans la même idée, les experts en médecine hyperbare constatent que parmi les personnes ayant eu plusieurs ADD, la plupart des plongeurs ayant eu un troisième ADD sont majoritairement des personnes qui plongent plus profond, plus longtemps alors qu’ils sont plus vieux. Dès lors, ils font l’inverse de ce qu’ils devraient faire.

Qu’est-ce qui justifie les retards des délais de prises en charge ?

  • Le plongeur accidenté s’adresse en priorité à son binôme, à un instructeur, à un directeur de centre… au lieu d’appeler un service médical.
  • Très souvent, celui qui prend le plongeur accidenté en charge relativise et fait, même malgré lui, barrage en préférant attendre, en donnant de l’oxygène, … Si le plongeur accidenté est conscient il faut le laisser parler en direct au médecin …

Ne pas faire filtre et activer les secours le plus vite possible même si on hésite

En attendant les secours :

  • Donner de l’oxygène est une bonne première intention. Non pas parce que cela empêchera des séquelles (pas d’études significatives) mais parce que, en cas de disparition des symptômes, on signera le diagnostic d’ADD. Et également car les études ont montré que la prise d’oxygène diminue le nombre de séances de caisson de recompression. Et donc raccourcit le traitement en cas d’accident de décompression.
  • Utiliser un masque avec deux valves (100%) lors de l’administration de l’oxygène donne les meilleurs résultats.
  • Hydratation: plus on est déshydraté et plus on aura des risques de séquelles. On vous le dit, en plongée il faut boire sans soif avant et après.
    Cependant, il faut éviter les solutés glucosées. Bannir aussi les sodas, l’alcool et la caféine.
    Boire de l’eau et faire boire un plongeur accidenté s’il est conscient.
    En cas de prise en charge suite à un ADD, il faut parfois donner jusqu’à 8 litres de liquide avant que la personne urine tellement la déshydratation est forte !
  • Médication : si certains aiment encore penser que l’aspirine est utile en cas d’ADD, les études ne lui attribuent pourtant aucune efficacité dans ce cas… Mais pas d’inconvénients non plus. Chacun fera ce qu’il voudra/pourra. Seuls les anti-inflammatoires combinés aux séances de caisson ont démontré une efficacité.

Autres points d’attention

  • La recompression thérapeutique dans l’eau est globalement non acceptée en Europe et aux USA. Par contre, elle est parfois proposée en Australie. Mais cela dans un cadre bien défini et nécessitant une formation adaptée et une logistique lourde. Si on vous le propose, ne redescendez pas vous immerger ni en tant que victime ni en tant que secouriste. Activez directement la chaine des secours.
  • La règle dit qu’il faut attendre 24h avant de prendre l’avion. Or, on remarque que même en respectant ce délai, certaines personnes font des bulles après 30 minutes de vols. Faire des bulles ne signifiant pas d’avoir de facto un ADD. Pourtant, cela risque dans le futur de remettre en cause cette règle des 24h.
  • Réfléchissons bien à l’opportunité d’avoir une assurance plongée complète qui couvre les séances en caisson partout. A titre d’exemple, une séance de caisson hyperbare à Zanzibar peut revenir à 45.000$
  • Avec l’apparition des ordinateurs et du matériel TEK, les profils de plongée s’éloignent de plus en plus de ce que les médecins hyperbare recommandent en termes de sécurité. Une plongée qui parait bien menée ne l’est pas nécessairement. Pour le corps, plonger 25 minutes à 40m ou 50 minutes à 20m n’aura pas les mêmes conséquences. Cela même en respectant ses temps de paliers.

Je ne peux que constater une fois de plus l’importance du respect des recommandations de sécurité. De celle de la planification, de la prévention, de l’hydratation, de la rapidité en cas d’accident…

Une ancienne ambulance exposée à l'hôpital militaire de Bruxelles
L’entrée de l’hôpital militaire donne le ton | © Different Dive

Finalement, suite à cette journée de colloque sur la prise en charge du plongeur accidenté, il me vient une question :

Où se situe la limite de la plongée loisir… avec plaisir et en toute sécurité ?

Un des orateurs me faisait remarquer le peu de participation à ce colloque concernant un point important de notre pratique de plongée alors bien même que des infos essentielles et inédites sur la prise en charge du plongeur accidentée étaient partagées. Aussi, il m’encourageait à diffuser le plus largement possible ces informations au plus grand nombre.

Dès lors, si vous voulez vous aussi être actif dans la prévention des accidents et les questions de sécurité des plongeurs en général, diffusez largement cet article dans toutes vos communautés de partage, dans vos clubs, associations et/ou auprès de vos amis. Pour une plongée en toute sécurité.

Quel est votre avis sur cette question ? Dites le moi dans un commentaire directement ci-dessous sur le blog

Et surtout,… n’oubliez pas d’être heureux/heureuse 🤗

Hélène

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